Beradino, du rêve à la réalité
- P Barret
- 6 janv. 2016
- 4 min de lecture

La voiture de sport a été iconique de tout temps. C’était notamment le cas dans l’Allemagne des années 60 où tous les adolescents s’imaginaient piloter des modèles devenus des légendes comme les Ferrari 275 GTB et 250 GTO, Lamborghini Miura ou Ford GT 40. A une époque où le design industriel ne suscitait pas encore de grande vocation, de nombreux constructeurs ne possédait pas de bureau de style intégré et ne proposait pas de concept-car. Si beaucoup ne sont jamais parvenus à concrétiser ce rêve de possession, il en a été autrement pour le jeune Johannes Peter Paulussen. Agé de 17 ans en 1961, il exprima à son père, non sans avoir rempli ses cahiers de classe de dessin de bolides, le souhait de posséder une telle voiture. Agacé, son père, un simple maître menuisier dans la petite ville d’Erkelenz-Boschmich, lui rétorqua : « une telle voiture, tu ne pourrais jamais te la payer ! ... et si tu dois en avoir une telle voiture, tu dois la construire toi-même ».
En 1968, le jeune homme pense à ce que son père lui a dit et commence à imaginer concrètement et à réaliser des plans de ce à quoi devait ressembler sa voiture de rêve. Il réalisa une maquette en argile à l’échelle 1/10e afin de définir les proportions du modèle en fibre de verre. Son design intégra progressivement un cahier des charges très précis. A cette époque, construire son propre modèle n’était possible que sur la base de la Volkswagen Coccinelle. Pourtant, Johannes souhaitait que sa voiture ressemble à une voiture à moteur avant et ce même si la position du moteur arrière avait été retenue pour ce projet. Pour ressembler à une voiture de compétition à hautes performances, sa hauteur devrait être à peu près d’un mètre. Le modèle devait à la fois être bien motorisé et offrir une sonorité spéciale. Enfin, ultime souhait d’une prétention toute mesurée, cette voiture ne devait pas donner l’impression d’un modèle « vendu en kit ». Un cahier des charges pour le moins ambitieux quand on dispose de ressources limitées. Afin d’avoir toutes les chances de mener à bien ce projet, Johannes débuta un cursus de mécanique automobile à l’institut universitaire de technologie d’Aix-la-Chapelle.
En 1974, après l’obtention de son diplôme d’ingénieur en mécanique automobile et après quelques 7.000 heures de travail, le prototype est enfin prêt à rouler. Pour réduire les coûts, la plupart des pièces étaient d’occasion : une suspension avant, des disques de frein et la direction en provenance d’une Porsche 356 C, un train arrière associant des éléments de Volkswagen Coccinelle et de Transporter. Le moteur est un 2.0l de Porsche 911 qui développe 110 ch à 5.800 tr/mn. Une puissance volontairement limitée dans le but de faciliter son homologation. Le modèle repose sur un empattement de 2.160 mm, soit 60 mm de moins que la 911 de l’époque. Sa hauteur, 1.040 mm, soit 30 cm plus basse que la 911 pour un poids limité à 1.010 kg. Une année supplémentaire fût nécessaire pour l’obtention de l’homologation son homologation. Il fût nécessaire de modifier les supports du moteur pour obtenir la validation du TÜV. Le modèle baptisé Beradino rend hommage à John Beradino, un joueur de baseball qui deviendra acteur dont Johannes était fan. A son volant, Johannes parcourra environ 10.000 km avant que le moteur ne commence à consommer de l’huile au point d’être remisé dans le garage familial de 1992 jusqu’en 2009. Dès l’âge de la retraite atteinte, Johannes consacre à nouveau son temps à son ancienne maîtresse afin de la restaurer et de la moderniser. Après 3.000 heures de travail supplémentaires, la voiture répond enfin à l’ambition de son concepteur. Il change notamment les optiques avant, les clignotants et les rétroviseurs. Pour plus de sécurité l’éclairage arrière se compose de LED. A bord, les œillets métalliques au centre des sièges évoquent ceux de la Ford GT 40. L’instrumentation mélange habilement des éléments en provenance d’Iso Rivolta et de Glas 1700 GT. L’un des atouts de ce modèle est de se décliner en trois types de carrosserie, coupé fastback, coupé tricorps ou cabriolet, une proposition seulement entrevue sur certains prototypes mais jamais vue en production. La transformation ne nécessite que 12 mn.
Depuis la Beradino de Johannes P. Paulussen ne cesse de soulever l’enthousiasme en courant les salons automobiles, les concours d’élégances et les rassemblements les plus divers. A chaque fois la ténacité d’avoir mené à bien son projet comme la passion qu’il exprime lorsqu’il raconte cette histoire aux allures de conte de fée moderne émerveille le public qui vient à sa rencontre. Le plus étonnant est sans doute le style classique de cette Beradino dont les galbes n’ont rien à envier à ceux signés de maitres italiens mais toujours en phase avec le rétroclassisisme qui opère depuis des années dans les bureaux de design et qui donnèrent naissance, à la renaissance de la Mini, de la Beetle et prochainement de l’Alpine.
Il n’en fallait pas plus pour donner l’idée à Johannes d’envisager de donner une descendance à son modèle en réalisant une micro série réalisée cette fois dans les règles de l’art avec des techniques modernes comme notamment le développement numérique 3D. Johannes P. Paulussen entend cette fois séduire des investisseurs, des ingénieurs et des équipementiers afin de concrétiser son nouveau rêve, celui de croiser un jour d’autres Beradino sur la route.
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